La littérature française du XXe siècle s'inscrit dans un siècle tumultueux marqué par

deux guerres mondiales, par l'expérience des totalitarismes fascistes et communistes et par une décolonisation difficile. La littérature verra aussi son statut évoluer sous l'effet des transformations technologiques comme l'apparition et le développement des éditions de poche ou la concurrence d'autres loisirs comme le cinéma, la télévision ou la pratique informatique. On assistera parallèlement à une dilution progressive des courants esthétiques et intellectuels après l'époque du Surréalisme, de l'Existentialisme et du Nouveau Roman.

 

L'Existentialisme: Existentialisme, courant de philosophie plaçant au cœur de la réflexion l'existence individuelle, la liberté et le choix personnels, thèmes qui furent traités en littérature aux XIXe et XXe siècles par des écrivains associés à ce mouvement de pensée.

Thèmes principaux: Opposé aux grands systèmes philosophiques et englobant des vues d'une grande diversité, l'existentialisme se caractérise par des grands  thèmes liés à une préoccupation majeure: l'existence individuelle déterminée par la subjectivité, la liberté et les choix de l'individu.

L'individualisme moral: La plupart des philosophes depuis Platon soutenaient que

le bien moral est le même pour tous. Au XIXe siècle, le philosophe danois Srّen Kierkegaard, le premier auteur à se qualifier d'existentialiste, réagit contre cette tradition en affirmant que l'homme ne peut trouver le sens de sa vie qu'à travers la découverte de sa propre et unique vocation. «Je dois trouver une vérité, écrivait-il dans son journal, qui en soit une pour moimême..une idée pour laquelle je puisse vivre ou mourir.» D'autres écrivains existentialistes reprirent l'idée de Kierkegaard selon laquelle l'homme doit choisir sa propre voie sans se référer à des critères universaux. S'opposant à la conception traditionnelle du choix moral qui implique de juger objectivement du bien et du mal, les existentialistes n'admettaient pas qu'il existe une base objective et rationnelle aux décisions morales. Au XIXe siècle, Friedrich Nietzsche déclarait qu'il incombait à l'individu seul de décider de la valeur morale de ses actes et des actions d'autrui.

 

Subjectivité: A l'instar de Kierkegaard, tous les existentialistes accordaient une

importance capitale à l'engagement personnel et passionné dans la recherche du bien et de la vérité. Aussi soulignaient-ils que l'expérience personnelle réglée sur ses propres convictions est essentielle dans la quête de la vérité. Ainsi, l'interprétation donnée par un individu d'une situation dans laquelle il est impliqué est-elle meilleure que celle de l'observateur détaché et objectif. Cette focalisation sur la perspective de l'acteur individuel contribua également à renforcer la méfiance des existentialistes à l'égard de tout système de pensée. Kierkegaard, Nietzsche et d'autres penseurs existentialistes se gardaient volontairement d'exposer leursidées d'une manière systématique, privilégiant les aphorismes, les dialogues, les paraboles et autres formes littéraires. Cependant, les existentialistes ne récusent pas la pensée rationnelle, ils ne la rejettent pas en prétendant qu'elle est entièrement inopérante, et ne peuvent donc pas être taxés d'irrationalisme. Considérant la clarté de la pensée rationnelle comme désirable là où elle est possible, ils pensaient que les questions les plus importantes ayant trait à l'existence ne sont pas accessibles à la raison ou à la science. Aussi cherchaient-ils à démontrer que la science n'est pas si rationnelle qu'on le suppose communément. Pour Nietzsche, par exemple, l'hypothèse scientifique qui attribue un caractère ordonné à l'Univers est au fond une fiction qui ne se justifie qu'en tant qu'hypothèse de travail.

 

Choix et engagement: Le thème le plus marquant de l'existentialisme est sans doute celui du choix. La plupart des existentialistes font de la liberté de choix le trait distinctif de l'humanité considérant que les êtres humains ne sont pas programmés par nature ou par essence à la façon des animaux ou des plantes. Par ses choix, chaque être humain crée sa propre nature. Selon une formule devenue célèbre de Jean-Paul Sartre, «l'existence précède l'essence». Aussi le choix est-il central dans l'existence humaine, et il est inéluctable; même le refus du choix est un choix. La liberté de choix implique engagement et responsabilité. Parce qu'il est libre de choisir sa propre voie, l'homme doit, selon les existentialistes, accepter le risque et la responsabilité inhérents à son engagement, quelle qu'en soit l'issue.

 

Sartre: Le terme d'«existentialisme» devint courant grâce au philosophe français

qui l'avait appliqué à sa propre philosophie et qui devint la figure de proue d'un mouvement existentialiste en France, appelé à connaître un retentissement international au lendemain de la Seconde Guerre mondiale. La philosophie de Sartre, explicitement athée et pessimiste, affirmait que l'homme a besoin de donner un fondement rationnel à sa vie mais qu'il est incapable de réaliser cette condition. Aussi la vie humaine est-elle à ses yeux une «futile passion». Néanmoins, Sartre soulignait que l'existentialisme est une forme d'humanisme, et il mettait fortement l'accent sur la liberté de l'homme, sur ses choix et sa responsabilité. Par ailleurs, il tenta de concilier ses conceptions existentialistes avec l'analyse marxiste de la société et de l'histoire.

 

Existentialisme et littérature: Du fait que de nombreux philosophes existentialistes eurent recours à des formes littéraires pour véhiculer leur pensée, l'existentialisme fut un mouvement aussi fécond en littérature qu'en philosophie. Les romans de l'écrivain de Prague Franz Kafka, tels que le Procès (1925) et le Château (1926) mettent en scène des individus isolés, luttant seuls contre une bureaucratie insaisissable et menaçante. Les thèmes de l'anxiété, de la culpabilité et de la solitude propres à Kafka reflètent l'influence de Kierkegaard, de Dostoïevski et de Nietzsche. On peut également discerner l'influence des penseurs existentialistes dans les romans d'André Malraux et dans les pièces de théâtre de Sartre. L'oeuvre d'Albert Camus est également associée à l'existentialisme en raison des grands thèmes abordés par l'existentialisme, comme celui de l'apparente absurdité et la futilité de la vie, de l'indifférence de l'Univers et de la nécessité de l'engagement en faveur d'une cause juste. On retrouve également ces thèmes dans le théâtre de l'absurde, notamment dans les pièces de Samuel Beckett et d'Eugène Ionesco.

 

 

Le XXe siècle est marqué par une remise en question progressive des genres littéraires: si la narration devient le genre de plus en plus dominant avec un roman polymorphe, les frontières avec l'autobiographie se troublent avec la mode de "l'autofiction" des années 1980-2000, tout comme la poésie tend à se confondre avec la chanson en même temps que l'oeuvre de théâtre est remplacée par des mises en scène à partir de textes non spécifiques où le metteur en scène l'emporte sur l'auteur dramatique. Par ailleurs la deuxième moitié du siècle est particulièrement marquée par les expériences de "littérature de laboratoire" et le jeu intellectuel (nouveau roman – littérature potentielle), mais aussi par le poids d'une littérature commerciale en forte concurrence avec les traductions de l'américain (collections sentimentales – romans policiers – romans de science-fiction – chansons ...) que retient peu l'histoire littéraire.

Rappelons en outre que le manque de recul rend évidemment difficile les catégorisations et les échelles de valeur pour les créateurs contemporains. Il est de plus illusoire de chercher l'exhaustivité et des choix ont été faits au bénéfice de la plus grande notoriété des auteurs.

 

 

Le Roman du XXe siècle

Ce genre très large voit la continuation du roman traditionnel mais aussi des innovations et des remises en cause comme celles du statut du narrateur, de la notion de personnage ou de l'intrigue, souvent éclatée et parfois rejetée. La présentation à grands traits du roman du XXe siècle (qu'il faudrait peut-être appelé " récit ") est évidemment une gageure mais on peut définir quelques lignes de force en suivant l'avancée du siècle.

 

Accompagnant la forme classique et les idées progressistes d'Anatole France (L'île

des pingoins,1908), des romanciers écrivent de grands cycles romanesques constituant des fresques sociales et historiques marquent l'époque, que ce soit Les Thibaut (1922-1929) de Roger Martin du Gard, Les Hommes de Bonne Volonté (1932-1946) de Jules Romains, la Chronique des Pasquier (1933-1945)de Georges Duhamel ou encore des oeuvres plus complexes comme Les Chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre(1945) ou Les Communistes (1949-1951)de Louis Aragon.

Parallèlement le roman va se nourrir des différentes expériences de la vie de chacun

en mettent au jour des itinéraires singuliers, que ce soit à travers la guerre avec Henri

Barbusse (Le feu, 1916) ou Roland Dorgelès (Les croix de bois,1919), l’adolescence avec Alain-Fournier (Le Grand Meaulnes, 1913), Romain Rolland (Jean-Christophe, 1903-1912) ou Raymond Radiguet (Le diable au corps, 1923), la condition féminine avec Colette et la série des Claudineou La Chatte (1933), la nature et le régionalisme avec Louis Pergaud (La guerre des boutons, 1912), Charles-Ferdinand Ramuz (La grande peur dans lamontagne, 1926), Jean Giono (Colline, 1928 - Regain, 1930), Henri Bosco (L'Âne Culotte, 1937) ou l’interrogation morale et métaphysique avec Georges Bernanos (Sous le soleil de Satan, 1926) ou François Mauriac (Thérèse Desqueyroux, 1927)).

Le roman d'approfondissement psychologique initié par Maurice Barrès ou Paul

Bourget, va trouver deux maîtres avec Marcel Proust et son oeuvre fondatrice sur la

fonction du roman et le jeu de la mémoire (A la Recherche du temps perdu, 1913-1927), et André Gide, également poète (Les Nourritures terrestres, 1895) et autobiographe (Si le grain ne meurt, 1920-1924) qui met en scène l'acte libre (Les caves du Vatican, 1914) et qui transforme la structure narrative dans Les Faux-Monnayeurs (1925). Ce questionnement psychologique va déboucher à la génération suivante sur le sentiment de l'absurde avec le personnage de Meursault dans L'Étranger (1942) d'Albert Camus ou le Roquentin de La Nausée (1938) existentialiste de Jean-Paul Sartre. Des auteurs moins prestigieux peuvent leur être associés comme Valéry Larbaud (Fermina Marquez, 1911) ou Paul Morand (L'homme pressé, 1940).

 

Le poids des évènements historiques va aussi orienter certains romanciers vers l'engagement en exaltant les héros politiques et guerriers comme André Malraux dans La Condition humaine (1933) ou L'Espoir (1937), Antoine de Saint-Exupéry (qui est aussi l'auteur d'un joli conte mondialement célèbre Le Petit Prince, publié en 1943) dans Vol de nuit (1931) ou Terre des hommes (1939) ou Albert Camus dans La Peste (1947). A l'opposé apparaît le type du antihéros à la manière du Bardamu de Louis-Ferdinand Céline ballotté par les évènements et confronté au non-sens du monde oppresseur des faibles sur tous les continents dans Voyage au bout de la nuit (1932). Ces orientations thématiques particulières sont accompagnées d'un certain renouveau formel: Marcel Proust renouvelle la prose romanesque avec sa phrase-rosace et cultive l'ambiguïté quant à l'auteur/narrateur, Louis-Ferdinand Céline invente une langue oralisante, André Malraux applique le découpage cinématographique, André Breton (Nadja, 1928 - L'Amour fou, 1937) et après lui Raymond Queneau]] (Pierrot mon ami, 1942– Zazie dans le métro, 1959), Boris Vian (L'écume des jours, 1947 - L'herbe rouge, 1950) et Julien Gracq (Le rivage des Syrtes, 1951) introduisent une poétisation surréaliste, Albert Camus joue, sous l'influence du roman américain, avec le monologue intérieur et le rejet de la focalisation omnisciente dans L’Étranger(1942), Jean Giono donne un souffle puissant à ses métaphores créatrices dans Regain (1930) ou dans Le Chant du monde (1934), Francis Carco (L'homme traqué, 1922 ) et Marcel Aymé (La jument verte, 1933) ou plus tard Albert Simonin (Touchez pas au grisbi ! 1953) exploiteront la verdeur des parlers populaires...

 

La recherche formelle devient systématique avec le courant que l'on a appelé "le nouveau roman" des années cinquante aux Editions de Minuit: ces "romanciers de

laboratoire "oeuvrent à la disparition du narrateur, du personnage, de l’intrigue, de la

chronologie au bénéfice de la subjectivité et du désordre de la vie, de la présence brute des choses avec surtout Alain Robbe-Grillet (Les Gommes, 1953), Michel Butor (La modification, 1957), Claude Simon (La route des Flandres, 1960) et Nathalie Sarraute (Le Planétarium, 1959 ) qui se différencient alors nettement des romanciers traditionnels comme Françoise Sagan (Bonjour tristesse, 1954), Hervé Bazin (Vipère au poing, 1948), Henri Troyat (La lumière des justes,1959/1963) ou Robert Sabatier (Les Allumettes Suédoises, 1969) ou encore François Nourissier (Allemande, 1973).

A côté de ces romans "expérimentaux" ou de ces oeuvres assez peu marquantes, les

années 60-80 offrent des auteurs de grande réputation avec des personnalités littéraires affirmées et des oeuvres originales et fortes. Par exemple Marguerite Yourcenar (Mémoires d'Hadrien, 1951 - L'OEuvre au noir, 1968), Marguerite Duras, parfois rattachée à la mouvance du nouveau roman, (Moderato cantabile, 1958 - L'amant, 1989), Albert Cohen (Belle du seigneur, 1968), Michel Tournier (Vendredi ou les limbes du Pacifique, 1967 – Le Roi des aulnes, 1970) ou JMG Le Clézio (Le procès-verbal, 1963 - Désert, 1980) ou Pascal Quignard (Tous les matins du monde, 1991)...

Le siècle est également riche de la profusion des formes populaires issues du XIXe

siècle comme le roman policier peu à peu influencé par le roman noir américain avecGeorges Simenon, (Le chien jaune, 1932), Boileau-Narcejac (Celle qui n'était plus, 1952),), Léo Malet (Nestor Burma et le monstre, 1946), Jean Vautrin (Canicule, 1982), Didier Daeninckx (La mort n’oublie personne, 1989), Philippe Djian (Bleu comme l'enfer, 1983 ), Jean-Christophe Grangé (Les Rivières pourpres, 1998) ... Le roman historique se multiplie avec Maurice Druon (Les Rois maudits, 1955-1977), Gilles Lapouge (La bataille de Wagram, 1987), Robert Merle (Fortune de France, 1977) ou  Françoise Chandernagor (La Chambre, 2002). Abondent aussi les récits de voyage et d'aventure (Henry de Monfreid - Les secrets de la mer Rouge, 1932)et les romans d'action et d'exotisme avec Jean Lartéguy (Les centurions, 1963), Jean Hougron (La nuit indochinoise, 1950/1958) ou encore Louis Gardel (Fort-Saganne, 1980). La science-fiction et le fantastique produisent également un nombre très important d'oeuvres avec René Barjavel (La Nuit des temps, 1968), Michel Jeury (Le Temps incertain, 1973), Bernard Werber (Les Fourmis, 1991)..., qui ont cependant une certaine difficulté à concurrencer les oeuvre traduites.

La veine égocentrique est, elle aussi, très productive avec des formes plus ou moins

innovantes d'autobiographie avec Marcel Pagnol (La Gloire de mon père, 1957), Simone de Beauvoir (Mémoires d'une jeune fille rangée, 1958), Jean-Paul Sartre (Les mots, 1964), Julien Green (Terre lointaine, 1966), Nathalie Sarraute (Enfance, 1983), Georges Perec (W ou le souvenir d'enfance, 1975),Marguerite Yourcenar ('Archives du Nord, 1977) ou Hervé Guibert (À l'ami qui ne m'a pas sauvé la vie, 1990) et l'écriture de soi s'associe au roman dans le genre assez vague de " l'autofiction " avec Patrick Modiano (Rue des boutiques obscures, 1978), Annie Ernaux (La Place, 1983), Jean Rouaud (Les champs d'honneur, 1990), Christine Angot (Sujet Angot, 1998), Michel Houellebecq (La Possibilité d'une île, 2005) ... Terminons ce survol du roman français du XXe siècle en notant l'apport, d'une certaine façon refondateur, de l'inspiration de l'ailleurs avec quelques noms de la période récente comme Réjean Ducharme (L'Hiver de force, 1973), Tahar Ben Jelloun (La Nuit sacrée, 1987 ), Ahmadou Kourouma (Allah n’est pas obligé, 2000) ou Nancy Huston (Lignes de faille, 2006)...

 

La littérature française du XXe siècle présente des facettes nombreuses et de grandes

écrivains qui ont été souvent couronnés par le Prix Nobel de Littérature (1901 Sully Prudhomme, 1904 Frédéric Mistral, 1915 Romain Rolland, 1921 Anatole France, 1927 Henri Bergson, 1937 Roger Martin du Gard, 1947 André Gide, 1952 François Mauriac, 1957 Albert Camus, 1960 Saint-John Perse, 1964 Jean-Paul Sartre, 1969, Samuel Beckett -Irlandais mais son oeuvre est écrite pour l'essentiel en français, 1985 Claude Simon) ; mais leur nombre se raréfie (seulement un dans les trente dernières années). Le poids international de la littérature française s'amenuise et les traductions en langues étrangères semblent également marquées le pas.